Long Distance Drunk

Connor se calla sur le dossier de son siège avec un soupir, frottant ses yeux. Les chiffres tremblaient en se mêlant entre eux et il avait relu quatre fois la même ligne, ne comprenant pas pourquoi son calcul ne balançait pas. Peut-être faisait-il un peu trop d’heures supplémentaires, c’était ce que son dos semblait lui dire, se plaignant comme celui d’un vieillard voûté sur son bureau. Il regarda les chiffres rouges du cadran à sa droite dans le reste de sa chambre plongé dans l’obscurité. Samedi soir, enfin dimanche matin, 1:00, Bang Connor fait des comptes pendant que le reste de la planète s’amuse. Ce ne serait pas si triste si c’était une exception. Le jeune homme n’avait tout simplement pas pu laisser ce travail inachevé au quartier général, trop d’irrégularités, il allait devoir faire des rapports à sa division, les revenus des commerces traînaient. Il avait pleinement conscience que ce genre de mention entrainerait prochainement le passage à tabac de pauvres propriétaires de commerce qui se saignaient déjà pour payer la protection locale à la familia, mais il avait appris à se détacher des conséquences de son travail. Ce n’était pas comme s’il était celui qui allait directement leur écraser le visage dans leur propre comptoir… Quoique cette idée lui fit grincer des dents de déplaisir.

Quoiqu’il en soit c’était assez pour ce soir. Connor pensait pouvoir s’installer devant la télé, question de s’endormir sur le canapé au milieu d’une émission débilitante, cependant, le destin avait d’autre plan pour lui. Ce fut lorsqu’il tentait de se changer pour quelque chose de plus confortable que son téléphone portable qu’il avait laissé sur un meuble plus loin. Il se précipita alors, claudiquant dans ses pantalons à moitié enlevés, manquant de s’assommer sur le coin d’une table, pour attraper son téléphone sonnant comme s’il s’agissait du Saint Graal. En voyant le nom sur l’afficheur, il ne put empêcher un bruit s’identifiant plus à un gloussement de dinde que quoi que ce soit d’humain de sortir de sa gorge. Il ne rêvait pas, c’était bien le nom de cette femme ô combien magnifique, intelligente, qui sentait bon et qui avait refusé catégoriquement toutes ses invitations pour déjeuner /prendre un café/prendre un verre /diner/souper qu’il voyait sur son téléphone à cette heure de la nuit. Il décrocha à la hâte, son « Oui allo?! » trahissant un peu trop son enthousiasme. La voix qui lui répondit de l’autre côté du combiné le laissa étrangement perplexe. Il n’aurait probablement pas reconnu la perspicace journaliste si ça n’avait été de l’afficheur. Il avait de la difficulté à comprendre son élocution, comme si elle avait la bouche remplie de cailloux. C’est en l’écoutant un peu qu’il comprit qu’elle était probablement très soûle. « Oh shit, ça t’as pris longtemps à décrocher… Listen. Écoute bien là chweetie, faut que tu viennes me sauver. Genre y’a ce type. Shit, this guy is so ugly. Il arrête pas de me faire de l’œil même si j’lui passe mon alliance dans la tronche depuis… » Elle sembla prendre une pause, soit pour déglutir, ou pire, avaler une autre gorgée, il ne savait pas, avant de reprendre en oubliant totalement le début de sa phrase : « Faut que tu viennes m’aider. Je sais pas où j’suis et y’a personne qui me répond. Shit ce type est si laid, god, save me. » L’opération suivant qui consistait à remonter ses pantalons, tout en sortant de ses quartiers de la résidence familiale, tout en essayant de faire dire à une Estelle en état d’ébriété où elle se trouvait en ce moment ne fut pas des plus gracieuses. Il fut content de ne croiser personne, et encore un peu enthousiasmé par le fait qu’elle l’avait appelé « chweetie » dans un moment de confusion ivre. Heureusement pour la demoiselle en détresse, les voitures non-utilisées abondaient dans le garage de la luxueuse villa des Bang.Il put donc arriver à ce bar dont la jeune femme s’était soudainement souvenu du nom entre quelques inepties. Connor avait fait bien attention de lui parler de la pluie et du bon temps au téléphone durant ce temps, pour éviter qu’elle ne change de location sur un coup de tête, ce qui rendait son conduite –déjà pas terrible–carrément horrible, mais au moins ça allait plus vite. Le téléphone toujours sur son oreille, il fit rapidement irruption dans l’endroit la cherchant désespérément des yeux. Jamais il ne s’était senti aussi heureux de se faire appeler en pleine nuit. Il était rarement le type à qui on disait « viens me sauver ». Gonflé d’un sentiment d’héroïsme à tout casser, il se mit à déambuler en lui demandant : « Je suis arrivé. Où êtes-vous? » Il crut alors apercevoir sa chevelure brune dans la pénombre quelque part au fond. Il n’arrivait toujours pas à croire que c’était lui qu’elle avait appelé. Quelle chance!

ah oui vêtements

Main sur le téléphone, Estelle se retenait de le lancer à l’autre bout de la pièce. Elle avait passé une très mauvaise journée et son stupide mari décidait de l’appeler pour lui dire qu’il ne comptait pas signer les papiers du divorce tout de suite, préférant attendre qu’elle vienne lui parler clairement. Serrant le téléphone, elle se retenait fortement de faire quelque chose de regrettable - briser son téléphone en soit. Elle lâcha un bruyant soupir en se laissant tomber sur le divan de son appartement. « On s’était entendu que tu signerais les papiers, me fais pas ça. » Jouer la victime n’était pas forcément son but, mais quand même, il lui avait effectivement dit qu’il lui signerait les papiers. Oscillant entre l’envie de lui arracher la tête et de se mettre à pleurer parce qu’elle avait évidemment marre d’être dans une telle situation, la journaliste garda le silence pendant un moment. Elle lui laissait le temps de se racheter, en quelque sorte. « Tu pourrais nous laisser une chance au moins. On s’est toujours bien aimé, tu le sais. » En moins d’un instant, Estelle lui avait raccroché au nez. Oui, elle l’avait toujours bien aimé. Mais pas au point de t’épouser, précisa-t-elle intérieurement.
Décidément, sa journée ne pouvait qu’empirer et avant que ça soit encore pire, la journaliste décida de changer la donne. Sortir lui ferait du bien, elle en était convaincue, même si ça impliquer d’y aller seule et même si au final ce n’était pas le genre d’activité qu’elle adorait. Laissant son téléphone sur la table du salon, Estelle se dirigea vers sa chambre pour se changer. Elle enfila des vêtements simples, pas trop osés pour les yeux prudes de la Corée, puis attrapa son téléphone avant de sortir. Elle n’avait pas d’idée en tête et en embarquant dans le taxi elle lui demanda simplement de l’amener dans un bar quelconque. Après tout, quoi de mieux pour se changer les idées que de boire un bon coup ! Elle s’ennuyait certes de ses amies en Amérique qui faisaient la tournée des bars avec elle, mais bon.

Installée devant le bar depuis un temps inconnu, la demoiselle continuait d’enfiler les shots de tequila les uns après les autres. « Donne m’en cinq autres. » C’était clairement par miracle que le barman réussissait à comprendre son coréen, ce qui ne l’empêcha pas d’hésiter avant de lui rendre. Elle en avait clairement eu suffisamment comme ça, sauf qu’elle ne voyait pas les choses de cet angle s’il bien qu’elle ne mit pas un instant avant d’insister en lui tendant l’argent pour payer ce qu’elle commandait. Néanmoins, le barman eut un moment de conscience avant de lui dire qu’il ne voulait pas lui en donner. Ce qu’Estelle n’écoutait pas du tout, trop préoccupée par le mec qu’elle venait de remarquer. Elle se rappelait vaguement de l’avoir remarqué un peu plus tôt, mais elle voyait qu’il était clairement en train de la reluquer. « Arrête un peu. Je suis mariée. M - A - R... mariée. » Elle avait arrêté sa belle épellation du mot, lorsque la lettre suivant le r ne lui était pas venue en tête. Tant pis, il ne pouvait que comprendre lorsqu’elle montrait son annuaire, endroit où son alliance était normalement, pour accompagner sa déclaration. Oui, elle était bien convaincue qu’elle l’avait. Croyant que l’homme insistait, ce qui était le cas même si elle ne portait pas suffisamment attention à ce qu’il disait pour le savoir, Estelle décida d’appeler des renforts. Son choix se porta sur Connor, un jeune homme qui l’invitait sans cesse à manger puisque les quelques autres personnes qu’elle pouvait appeler. Raccrochant presque en attendant que ce dernier répondre, croyant qu’il ne décrocherait jamais, elle fut tout de même très contente d’entendre sa voix et elle se dépêcha de prendre la parole rapidement, comme si c’était possible qu’il lui raccroche au nez : « Oh shit, ça t’as pris longtemps à décrocher… Listen. Écoute bien là chweetie, faut que tu viennes me sauver. Genre y’a ce type. Shit, this guy is so ugly. Il arrête pas de me faire de l’œil même si j’lui passe mon alliance dans la tronche depuis… » Une petite pause pour boire son dernier shot, « Faut que tu viennes m’aider. Je sais pas où j’suis et y’a personne qui me répond. Shit ce type est si laid, god, save me. » Son langage passant du coréen à l’anglais, on peut pouvait qu’espérer que Connor soit capable de comprendre quelque chose.

La demoiselle avait répondu à tout ce que lui demandait Connor ou à la discussion qu’il faisait avec une joie un peu étrange. Ce fut néanmoins un miracle qu’elle reste sur place jusqu’à ce que la voix de Connor lui annonçait la bonne nouvelle de la journée : « Je suis arrivé. Où êtes-vous? » Elle se retourna pour observer les gens dans le bar et un sourire s’étira sur son visage lorsqu’elle retenue la bouille familière du jeune homme. Sans réfléchir plus d’un moment, elle marcha très rapidement vers lui pour pratiquement lui sauter dans les bras : « Connard ! I’m so happy to see you. je croyais que tu viendrais pas. Je suis vraiment contente que tu sois là. » Bien scotchée contre lui, elle ne prêtait pas attention au fait qu’elle avait écorché son prénom ou qu’elle avait l’air bizarre. Non, elle ne réalisait pas grand chose mis à part le fait qu’elle était si contente de le voir.

L’enthousiasme de recevoir l’appel de la jeune femme avait été tel qu’il en avait oublié de s’inquiéter pour elle. Le trésorier en fut lui-même surpris, après tout, il était bien au courant de ce qui pouvait arriver à une jolie femme vulnérable et désorientée dans la ville, mais cela ne lui avait même pas effleuré l’esprit. Connor était trop enlevé par l’idée d’arriver triomphant, faisant fuir les manants qui l’importunaient, offrir dans toute sa générosité de la reconduire jusqu’à chez elle. La jolie chevelure qu’il avait aperçue au fond lui appartenait effectivement, il le remarqua à la seconde où elle se retournait pour poser les yeux sur lui. Il sentit son cœur s’emballer aussitôt. Cette femme était si belle, ça n’avait pas de sens. Même si juste à l’œil, il pouvait juger de son ivresse, Estelle Lawford était tout simplement magnifique. Elle ne remarqua pas son air stupide, niais, posé sur elle, enfin probablement pas alors qu’elle s’approchait. Et plutôt vite qu’elle s’approchait, la journaliste semblait vraiment être contente de le voir. À cette pensée, il s’était senti presque défaillir. Même si cela était causé par l’alcool, il n’arrivait simplement pas à le croire. Ce n’était vraiment pas tous les jours qu’il ressentait une telle bouffée d’appréciation de quelqu’un qui normalement semblait totalement découragée par ses invitations. Connor ne s’attendait cependant pas à une appréciation d’une telle teneur.

Il s’attendait à la voir s’arrêter, mais elle ne le fit pas, enfin, pas avant d’être contre lui. Il figea totalement. D’entendre la femme de ses rêves utiliser, par erreur, le sobriquet humiliant que lui affublait son frère adoptif le troubla encore moins que de la sentir ainsi scotchée à lui. Il devait déjà avoir rougi comme une fillette. Ses cheveux sentaient bon. Non, non, concentration, suffit l’odeur enivrant de son shampoing ou de son parfum, il était là pour la sortir d’ici. Il crut bien saisir qu’elle était en effet très contente de le voir dans son charabia mi-anglais mi-mauvais coréen. Il voulut lui répondre quelque chose, mais sa gorge sèche ne lui permis que quelques balbutiements encore moins cohérent que le discours de l’occidentale. Il fit donc un pas vers l’arrière, pour se donner une chance de pouvoir au moins enligner deux mots sans être victime de sa timidité traître. « C’est… C’est t-tout naturel voyons… », se força-t-il à prononcer, ne voulant pas qu’elle s’imagine qu’il venait là motivé par une quelconque mauvaise pensée. Jamais il ne se permettrait de profiter de son état d’ivresse pour tenter quoi que ce soit. Juste l’idée le révoltait. Il n’était pas ce genre de gars. Il n’était pas le genre à tenter quoi que ce soit même en temps normal.

Avalant sa salive et prenant une grande respiration, se disant qu’il en avait déjà eu plus qu’il aurait pu espérer de toute sa vie de la part de madame Lawford, il reprit un semblant de contenance. Le tapotement qu’il déposa sur l’épaule de la brunette fut totalement maladroit et inconfortable alors qu’il annonçait : « Venez, je vais vous reconduire chez vous. » Qu’était-il supposé faire maintenant? Lui prendre la main? Il avait l’impression que de passer le bras derrière ses épaules serait incroyablement déplacé, mais il ne pouvait pas la laisser marcher seule, à voir comment elle avait titubé pour se rendre à lui. Allez, il ne pouvait faire de chichi. Se murmurant des encouragements, il alla passer le bras de la jeune femme par-dessus son épaule à lui, ce qui lui semblait déjà moins pire. Il accompagna cependant son geste d’un poli : « Si vous me permettez… » Puis, il la fit sortir, tentant d’envoyer un regard impressionnant au gars qui semblait la reluquer. Ce ne fut guère concluant vu sa tronche, mais tant pis. Malgré tout l’alcool qu’elle avait ingéré, qui sentait tout autant que son parfum, elle n’était pas trop lourde, et heureusement encore consciente pour être amenée jusqu’à la voiture qu’il avait chipé.

Après s’être difficilement assuré qu’elle soit bien assise et bien attachée, il se permit de s’installer à la place du conducteur. Alors qu’il démarrait, il lui demanda son adresse, espérant qu’elle saurait lui dire. Ce n’était pas comme s’il savait où elle habitait! Il n’était pas obsédé à ce point. Et dans sa profession, on voulait éviter à tout prix d’avoir affaire avec la police. Il espérait également savoir où c’était, car il n’était vraiment pas sûr de comment faire marcher le GPS. Il commença tout de même à rouler, se disant qu’il finirait bien par trouver. Ce n’était pas comme si rester coincé dans une voiture avec Estelle Lawford l’horripilait. Même si elle l’avait appelé connard. Il était habitué de toute façon. Peut-être qu’après ça, elle lui devrait bien un déjeuner. Il serait sûrement trop poli pour faire valoir cet argument, mais il l’espérait tant.

Voir Connor, bien qu’elle était celle qui lui avait demandé de venir, fut comme une intervention divine à son égard. Oui, Estelle était réellement contente de le voir, certes, l’alcool l’aidait à le montrer, mais même en général, elle n’avait rien contre le jeune homme. Le démontrer était seulement une autre paire de manche et dans un état d’ivresse aussi avancé, ce n’était plus un problème. Massacrant son nom, bien inconsciente de l’avoir affublé d’un surnom probablement désagréable pour lui, elle se contenta de déblatérer sa joie de le voir. Trop ailleurs pour réaliser qu’il aurait effectivement pu venir avec une idée derrière la tête, alors elle se contenta de sourire lorsqu’il répondait manifestement à sa joie de le voir : « C’est… C’est t-tout naturel voyons… » Elle ne voyait pas tellement ce qu’il y avait de naturel dans se ramener dans un bar à une heure du matin pour aller quelqu’un qui était pratiquement une inconnue, mais bon. Elle se se contenta de sourire de plus belle avant de lui tapoter la tête pour lui répondre : « T’es adorable chweetie. » Le pire c’était qu’elle le pensait vraiment, sauf qu’en temps normal il aurait pu se brosser avant d’avoir un tel compliment de la part de la journaliste.
« Venez, je vais vous reconduire chez vous. » Elle réalisa finalement qu’elle n’était effectivement pas chez elle et que bien des regards étaient sur elle. Ça ne la dérangeait pas vraiment plus que ça, mais elle hocha vigoureusement la tête pour montrer son accord avec la décision du Connor. Assez molle, elle se laissa faire alors qu’il passait son bras autour de ses épaules. « Si vous me permettez… » Elle aurait pu hausser les épaules et ça aurait fait une réponse satisfaisante, surtout plus brillante que ce qu’elle décida à répondre : « Vas-y te gêne pas ! » Ce n’était pas comme si ça la dérangeait moindrement. En même temps, il fallait dire qu’elle n’aurait probablement pas pu se rendre à la voiture d’elle-même vu comment elle n’avait aucun équilibre et qu’elle titubait à souhait.

Une fois dans la voiture, Estelle laissa Connor s’occuper de l’attacher puisque visiblement ce n’était pas une chose importante à ses yeux. Il fallait au moins rappeler qu’elle était bien ailleurs et qu’elle pouvait blâmer l’alcool pour cela. Toujours bien souriante, elle ne bougea pas particulièrement lorsque le jeune homme prenait la place du conducteur. Elle regardait le bar en se disant qu’elle avait bien envie d’y retourner prendre un verre ou deux. Elle lança donc sa proposition en étant un peu trop sérieuse : « T’as pas envie d’aller boire un verre avec moi à la place ? » C’était un peu stupide comme idée, mais elle en avait bien envie au final, à croire qu’à ses yeux elle n’avait pas suffisamment bu - ce qui n’était définitivement pas le cas. Changeant la conversation du tout au tout, Estelle fit remarquer joyeusement : « Waouh, ta voiture elle est extra ! » Habituée à prendre le taxi, il était évident que la voiture était mille fois plus classe que ce à quoi elle était habituée.

Si elle donnait parfois des directions pour le guider jusqu’à chez elle, Estelle finit par observer sa main. C’est alors qu’elle réalisa que son alliance ne se trouvait plus sur son annulaire. Ses yeux s’agrandirent alors qu’elle se retournait vivement vers Connor, presque tentée de lui dire d’arrêter sur le champ ou de le forcer à le faire. « Shit ! Faut qu’on retourne. Shit, j’ai perdu mon alliance. Sérieux, faut qu’on retourne au bar. » C’était une belle manière de lui annoncer qu’elle était mariée, mais bon ce n’était pas sa priorité pour l’instant. Malgré le fait qu’elle voulait tuer son mari le trois quart du temps, elle devait au moins lui rendre sa bague lorsqu’il aurait enfin signé les papiers. Néanmoins, toute cette agitation n’eut pas l’effet escompté et à la place elle sentit que son estomac n’était tout simplement pas d’accord si bien qu’elle déclara : « Je vais être malade. » C’était la première fois qu’elle disait quelque chose de clairement compréhensible et c’était évident qu’elle risquait vraiment d’être malade s’il ne s’arrêtait pas rapidement. C’était qu’il avait la chance de la voir dans un moment de classe fulgurant !

Au moins, elle n’avait pas trop résisté au fait d’entrer dans la voiture. Bon, dis comme ça, ça sonnait comme s’il la kidnappait ou quelque chose du genre. Serait-il un jour obligé de s’en remettre à de telles techniques pour trouver la femme de sa vie? Il aurait tellement pu faire une telle chose, Estelle ne s’en rendrait même pas compte, peu importe où il irait la porter, mais évidemment, il ne le ferait pas. Il y avait beaucoup de ces choses qu’il ne se permettrait jamais de faire, malgré que cela l’aiderait peut-être. Mais il préférait encore se faire appeler « chweetie » ou « connard » que de ne pas se faire appeler du tout. C’était un bon début. Franchement, s’il n’avait pas été lui, il aurait accepté son invitation, même si dans son état, la journaliste allait probablement prendre une seule gorgée avant de rouler en-dessous d’une table. Mais bon, voilà, Connor étant Connor, un peu trop responsable pour son propre bien, rien ne se passerait, mais au moins elle ne tomberait pas dans le coma éthylique à cause de lui. Avec un sourire poli et un petit pincement au coeur il déclina son invitation : « Peut-être une autre fois. » Même si c’était probablement la dernière fois de sa vie qu’elle lui proposerait une telle chose. Il n’ajouta cependant aucun commentaire par rapport à sa voiture, car, bon, ce n’était pas à proprement à parler la sienne. Celle de son père, surtout, comme à peu près toutes ses possessions. Il garda cela pour lui, ne voulant pas avoir l’air d’un fils à papa richard et peu débrouillard devant la magnifique jeune femme. Et puis, il n’avait pas pris la plus luxueuse du lot, il n’était pas à ce point suicidaire vu sa conduite incertaine depuis un « accident » quelque peu traumatisant avec son frère au volant d’un de ces engins de la mort. D’embarquer une fois avec sa jumelle n’avait pas aidé sa crainte. Mais ils réussirent tout de même à partir, et la brunette, contre toute attente, réussit à lui donner quelques indications presque claires. Ce n’était pas comme s’il pouvait possiblement le manquer, à la vitesse de pépé à laquelle il allait.

Alors qu’il tentait tant bien que mal de se concentrer sur la route sans la regarder à tout bout de champs, elle profita de son inattention pour lui lâcher une bombe atomique, comme ça. Il faillit freiner en fou en l’entendant parler d’alliance. « Votre… Alliance? », souffla-t-il. Estelle Lawford était mariée? Mais il n’avait jamais entendu parler d’un mari quelconque! Cela voulait dire qu’il n’aurait jamais la moindre chance avec elle? Malgré sa soudaine affection alcoolisée, le trésorier se sentit soudainement très stupide, stupide et triste. Tout ce temps, il entretenait des espoirs vains envers une femme mariée. C’était bien son style. C’était bien sa chance. Il accéléra un peu, se refrognant derrière ses mains qui se serraient sur le volant. Peut-être était-ce la déception, plus que le sens de la responsabilité, mais de retourner à ce bar n’était pas une bonne idée. « Demain, quand vous serez en état. », avait-il dit plus sérieusement, sans trouver la force d’être rude. Il n’aurait cependant peut-être pas dû se mettre à conduire comme un humain normal, pour l’estomac de la femme mariée. Il comprit vite le message lorsque celle-ci annonça son malaise. S’il ramenait cette voiture pleine de vomissures, il était parti pour les ennuis, ou une somme effarante passée en nettoyage. Tentant de freiner son trop de brusquerie, il ouvrit rapidement la fenêtre du côté passager, espérant qu’elle saurait bien viser. Il allait être garde-malade ce soir, il en avait bien l’impression. Pas qu’il avait de meilleurs plans. Mais, ouais… Estelle Lawford était mariée et lui un pauvre idiot.

Évidemment, Estelle fut grandement déçue par le refus de Connor. Une moue digne d’une gamine de trois ans vint occuper son visage alors qu’elle le regardait. Après tout, elle ne proposait pas souvent d’aller boire des verres comme ça. Dans un sens c’était vraiment comme dire non à un enfant, mais elle ne s’y opposa pas davantage, non, elle était bien suffisamment occupée à fixer le vide ou faire des commentaires sur la voiture. Son attention passait d’une chose à une autre sans s’y attarder. Un rien ne l’émerveillait alors que tout lui semblait si génial. En temps normal elle aurait tout de même trouvé la voiture du jeune homme totalement classe même si ce n’était pas vraiment celle de Connor. Heureusement, la demoiselle était suffisamment capable de se concentrer pour donner des directives relativement clair à son celui qui lui servait de chauffeur. Évidemment, elle était bien confortable avec la vitesse digne d’un pépé et elle souriait abondamment pour le montrer.
Du moins cette joie dura jusqu’à ce qu’elle réalise que quelque chose manquait, son alliance. Elle ne mit qu’un court moment pour lui signaler qu’il fallait absolument retourner au bar. Après tout, c’était une bague assez dispendieuse et elle voulait la retourner à son mari pour que tout ça soit terminé. « Votre… Alliance? » C’est à ce moment là qu’elle réalisa que Connor n’était pas disparu en même temps que l’anneau. « Oui mon alliance. Elle était supposée être là. » Montrant son annulaire, comme s’il ne savait pas que la bague devrait se retrouver là normalement. Elle finit tout de même par hocher vigoureusement la tête en guise de réponse à ce que venait de dire le jeune homme. Ce n’était pas elle qui avait le contrôle de toute façon.

Que ce soit parce que Connor avait accélérer ou parce que son estomac réalisait finalement la quantité d’alcool qu’elle avait ingéré, Estelle sentit qu’elle allait être malade. Elle avertit le jeune homme qui ouvrit la fenêtre à côté d’elle et un instant plus tard elle vomissait à l’extérieur. Il pouvait se compter chanceux qu’elle arrivait à viser. Après un moment peu gracieux dont elle aurait définitivement honte le lendemain, elle reprit un peu de conscience pour s’excuser : « Désolé. Je vais tout nettoyer demain, sorry. » Évidemment, même sur le coup, la demoiselle se sentait horriblement coupable d’avoir sali la voiture. Heureusement, ils arrivèrent finalement devant le bloc appartement où elle habitait. Lorsque Connor fut stationné, la journaliste s’empressa d’essayer de sortir, manquant de tomber en mettant le pied hors de la voiture. Évidemment son équilibre ne s’était pas améliorer et elle ne pouvait qu’espérer que le jeune homme lui vendrait en aide à nouveau.

Se rendre à l’appartement en tant que tel fut une tâche beaucoup plus ardue que partir du bar, d’abord parce qu’elle manqua plusieurs fois de le diriger vers le bon endroit. Après une bonne promenade dans le bloc appartement, ils arrivèrent devant la porte et elle commençait à chercher son porte-clé dans son sac à main. Plusieurs minutes plus tard, elle se tourna vers Connor avec un beau sourire pour lui demander : « Tu peux ouvrir la porte ? S’il te plaiiit. » Elle aurait pu tenter de faire des yeux de chien battu pour le forcer à le faire, mais elle était de toute façon bien occupée à se tenir en place. Dès que le jeune homme eut ouvert la porte, Estelle s’empressa d’entrer à l’intérieur. Ça faisait du bien d’être enfin chez elle. « Bienvenue chez moi chweetie ! » Beaucoup trop heureuse de montrer son chez soi qui était dans un état terrible, elle le regarda avec un sourire tout heureux. Suite à quoi elle revint à presque l’ignorer en avançant vers sa chambre. Puis, sans prévenir, elle eut soudainement envie de se changer ou tout au moins d’enlever une couche de vêtement. En moins d’un moment sa veste tomba sur le sol et elle commençait à retirer la camisole qu’elle portait, nullement gênée par la présence de Connor. Ce n’était pas comme si elle avait honte de quelque chose sur son corps après tout.

Ce qu’il pouvait être une petite nature. Il fut presque pris de nausée à son tour en entendant les toux visqueuses provenant de la gracieuse jeune femme qui vomissait allégrement par la fenêtre de sa voiture, enfin la voiture de son père. Connor ne put empêcher une moue de dégoût de traverser son visage, mafieux de choix, troublé par de simples vomissures alcoolisées. Il n’était pas obsédé par elle au point d’être intéressé par cela. Il priait juste que rien ne tombe en-dedans de l’habitacle du véhicule. Il avait beau avoir pris la moins coûteuse, il n’y avait pas une voiture dans le garage familial qui n’avait pas de sièges en cuir. Heureusement, le malaise ne dura pas trop longtemps. Le jeune homme espérait que cela l’aiderait à se sentir un peu mieux. Bien sûr, si jamais cela devait se reproduire, il serait heureux de tenir ses cheveux ou quelque chose. La perspective de la revoir vomir ne l’enchantait cependant guère. Il y avait sûrement une belle éclaboussure sur la portière, mais ça se lavait mieux. Le trésorier prit les excuses de la brunette avec un peu d’amusement, se disant qu’elle n’en ferait probablement rien. Un coup de boyau d’arrosage et cela sera tout oublié. Mais pour ne pas la brusquer, il l’assura : « Oui oui, demain. » Après avoir hoché la tête pour ponctuer sa phrase, il démarra de nouveau, plus lentement.

Le reste du trajet fut plutôt court, la dem- la dame avait eu la bonne idée de se perdre près de chez elle au moins. Ils se rendirent presque sans anicroche à son appartement, sauf lorsqu’en sortant de voiture, il eut peur qu’elle s’étampe le visage sur le trottoir avant qu’il ait pu venir la soutenir, mais elle se reprit à temps. Les escaliers furent une tâche laborieuse aussi, mais presque comique. Ce l’aurait été, s’il ne s’était pas rappelé à chaque fois que cette femme à son bras était mariée et sous l’emprise de l’alcool. Lorsqu’elle lui demanda d’ouvrir la porte, son sourire le fit un peu mourir en-dedans. Ce mari, entité fantôme et invisible, en avait de la chance Des femmes comme ça, on n’en croisait pas souvent. Après quelques minutes de tergiversations, il finit par ouvrir ladite porte, pour y laisser entrer une Estelle soudainement très agile. Elle devait avoir hâte de revenir chez elle. Il entra avec une certaine intimité, se demandant si elle serait fâchée de savoir qu’il était allé chez elle alors qu’elle n’avait pas toute sa tête. Il rigola doucement en l’entendant de nouveau l’appeler de ce surnom presque affectueux et déformé par son élocution difficile. Connor ferma doucement la porte derrière-lui, baissant la tête un instant. Mais lorsqu’il la releva, il la vit, sans aucune explication, qui se mettait à se dévêtir. Là, il paniqua, sentant le rouge lui venir aux joues encore comme un automatisme. Il détourna le regard, tentant d’ignorer son strip-tease éthylique. « A-Attendez! S’il-vous-plaît! Je suis encore là. », glapit-il en espérant lui faire entendre raison. De voir cette magnifique femme se déshabiller tout en sachant qu’elle était mariée était une trop grande torture en ce moment. Question de ne pas être là à la fixer se déshabiller, il prit la direction opposée dans l’appartement, demandant pour se distraire : « Est-ce que vous voulez de l’eau? Du café? Vous avez une machine à café? » Trop de paroles pour la jeune femme soûle probablement, mais il essayait en ce moment de se faire dérougir en cherchant stupidement ce qui ressemblait à une cuisine et ou une machine à café.

Si ses excuses étaient probablement très en l’air pour le coup, elle les pensait réellement. Elle se sentait bien mal pour la voiture de Connor et pour le jeune homme lui-même. Certes, ce n’était pas parce qu’elle venait de détruire ses vains espoirs de sortir avec elle, parce qu’elle était marié, mais simplement à cause de ses vomissures qui se trouvaient probablement sur la voiture. Peut-être que si elle réalisait qu’il avait une quelconque intention à son égard après tout, ce serait différent. Estelle était loin de le faire, elle le trouvait adorable, mais elle ne le voyait pas autrement. En même temps, il était un peu jeune homme pour elle sans compter le fait qu’elle était marié. Pas qu’à long terme ce serait un problème puisqu’un jour elle serait divorcée, elle y tenait après tout. Pour ce qui était de vouloir nettoyer, c’était évident qu’elle oublierait en moins d’un instant. Surtout considérant qu’ils approchaient de son appartement et qu’elle avait bien hâte d’y arriver. Après tout, même après avoir gracieusement vomi sur la voiture du jeune homme, elle ne pouvait que penser à son lit ou à la quiétude de son chez elle.

Après un ou deux détour de trop, ils se retrouvèrent finalement devant la bonne porte et elle relégua la responsabilité de l’ouvrir à Connor. Elle était trop saoule pour y arriver de toute façon, c’était l’évidence même. Certes, on aurait pu avoir du mal à le croire en la voyant soudainement agile pour entrer chez elle. En même temps, il fallait s’entendre qu’elle était enfin dans un environnement où elle pouvait être totalement à l’aise. La preuve, elle accueillait beaucoup trop joyeusement le jeune homme dans son appartement - chose qu’elle n’aurait probablement pas fait en temps normal, avant de l’ignorer complètement pour lui offrir un striptease complètement improvisé. Elle n’était pas pudique, mais la voix du jeune homme la ramena presque à la réalité du moment : « A-Attendez! S’il-vous-plaît! Je suis encore là. » Oh. Oui, il était là. Au lieu d’avoir une réaction normale qui aurait surement été de prendre sa camisole ou d’enfiler un autre morceau vêtement, Estelle se retourna vers Connor avec un énième magnifique sourire, sauf que cette fois, il n’était pas forcément très rassurant et surtout ne correspondait pas avec ce qu’elle lui dit, son esprit étant bien ailleurs de toute faon : « Oui fais comme chez toi. » Cette invitation bien qu’inutile et surtout formulée dans un but précis fut tout de même rapidement oubliée par la demoiselle qui l’avait fait.
Elle ne prêta pas vraiment attention à ce qu’il lui disait, de toute façon il disait trop de chose pour que son cerveau confus comprenne quoi que ce soit. Non, son cerveau fonctionnait maintenant dans un but bien précis. Quelque chose dont elle s’était privée depuis peut-être un peu trop longtemps. Furtivement, du moins autant qu’elle pouvait l’être considérant son état d’ébriété avancé, la demoiselle alla se poster derrière Connor et passa ses bras autour de sa taille pour aller déposer sa tête sur son épaule. « Je te gêne ? » La question fut posée avec sa bouche un peu trop près de l’oreille du jeune homme. Cette nouvelle proximité lui donna d’ailleurs une nouvelle bonne idée, celle de déposer ses lèvres sur le cou de Connor. Entreprenante ? À peine ! Il fallait dire que la dernière année d’abstinence qu’elle s’était imposée avant de quoi la rendre complètement en manque. « Je suis bien contente que tu sois là d’ailleurs. » Ce n’était pas la première fois qu’elle lui disait et elle le pensait toujours autant. Un sourire satisfait de cette nouvelle proximité s’étira sur ses lèvres alors qu’elle se collait bien sur lui. Estelle se fichait bien des conséquences, même si elle regretterait très probablement l’image qu’elle était en train de montrer à Connor, il suffisait d’espérer qu’il serait capable d’oublier cette page de l’histoire.

Sa quête pour du café n’arriva jamais à terme. Il ne trouva ni café ni machine, brusquement interrompu dans sa recherche quelque peu paniquée par le corps d’une femme qui s’immisçait derrière lui. Et pas le corps de n’importe quelle femme, ce n’étaient pas n’importe quels bras qui s’enroulaient autour de sa taille. La logique lui disait que tout cela appartenait bien à Estelle Lawford, à moins qu’une colocataire mystère, une apparition, une hallucination, ait pris sa place. Si la jeune femme n’aurait pas été ivre, Connor aurait probablement parié sur l’hallucination causée par ses espoirs maintes fois piétinés et frustrés. Mais elle était bien réelle, et c’était bien son menton qui vint faire tressaillir son épaule quelque peu tendue par la situation surréaliste qui était en train de se produire. Si elle le gênait? Cela dépendait de la définition de gêner. Si c’était gêner dans le sens de donner une couleur pivoine à son visage par le fait de faire frôler le doux tissus de son soutien-gorge dans son dos, oui, sans aucun doute, elle le gênait. « N-non, pas du tout! »,mentit-il avec peu de talent. Il n’allait pas s’en plaindre et doutait qu’elle remarque qu’il mentait comme un pied. Seigneur, il pouvait même sentir sa chaude haleine juste en-dessous de son oreille, c’était à en donner la chair de poule. Non… Non, il devait se ressaisir, elle était mariée, mariée et soûle. Il n’était pas ce genre de type, il n’avait pas le courage d’être ce genre de type et c’était bien comme ça.

Malgré ces belles pensées pleines de motivation il eut peur de défaillir en sentant ses lèvres dans son cou. Cela venait-il réellement de se passer? Il ne rêvait pas? Que Dieu bénisse l’alcool! Il ne sut si ce fut la timidité ou une volonté de fer qui le fit résister aux accents de la dernière confidence de la journaliste, mais ce fut ce qu’il fit. N’importe qui aurait sauté sur une occasion aussi parfaite. Mais le trésorier de la familia ne fit que bredouiller « C’est pas grand-chose voyons. » C’était effarant, il vivait un rêve éveillé encore plus fou que n’importe quel espoir de son imagination, et il devait cracher dessus? Il n’en revenait tout simplement pas. Il pouvait la sentir se presser contre lui, dans cette demi-tenue invitante. Mais qu’avait-il fait pour mériter une telle torture? Il ne savait s’il devait jubiler ou maudire son sort. Mais une chose était claire, il devait faire cesser cela avant que le contact prolongé ne le prive de ses beaux principes. Il n’osait pas imaginer la réaction de la brunette le lendemain si elle apprenait que quelque chose s’était produit la veille, ou si elle s’en rappelait. Connor pouvait dès lors deviner qu’elle ne serait pas du tout enthousiaste. L’idée de la voir se dire qu’elle avait commis une horrible erreur le motiva à s’extirper sans brutalité de son emprise.

À partir de là, il se mit à patiner pour trouver de quoi occuper la jeune femme ivre, à moitié nue et au comportement quelque peu léger. « La journée a été dure j’imagine. Venez donc vous asseoir. », tenta-t-il en prenant doucement sa main pour la traîner vers le canapé le plus proche. Parce qu’en plus de tenter de discipliner ses envies la plupart du temps négligée, il restait l’épineuse question d’éviter une gueule de bois de la mort et une autre séance de dégobillage à la concernée. Une fois qu’il l’eut assise, il fit signe d’attendre une minute. Il alla vite à un robinet quelconque, espérant qu’elle ne le suivrait pas tel un petit canard, le temps de lui faire au moins un bon verre d’eau. Lorsqu’il revint, le liquide salvateur en main, il lui tendit tout en prenant place sur le sofa. « Tenez, buvez ça. » Elle serait probablement plus contente d’avoir de l’eau sur ses meubles que de la vomissure.

L’ivresse expliquait évidemment son comportement. L’ivresse et le manque profond de relation du genre, oui. Certes, la deuxième raison était plus cachée, comme un secret dont elle avait tout particulièrement honte, mais elle avait son poids dans la présente situation. Alors qu’elle se collait à Connor avec la ferme envie d’assouvir ses besoins, Estelle ne pouvait pas s’empêcher de sourire. Elle ne remarquait pas qu’il avait prit un teint digne d’une pivoine tout comme elle ne voyait pas l’évidence du mensonge, non elle était simplement contente d’apprendre qu’elle ne le gênait pas. Comme si elle le gratifiait d’une récompense, elle posa ses lèvres contre le cou du jeune homme. Peut-être que si elle n’était pas arrêtée, elle en ferait plus, qui sait. C’était une demoiselle entreprenante de nature et et quand elle voulait quelque chose elle l’avait, c’était une règle non écrite qu’elle s’était très probablement fixée lors d’une soirée enivrée, qui sait. « C’est pas grand-chose voyons. » Ne comprenant pas du tout qu’il s’agissait d’une manière subtile de la repousser, enfin, d’une certaine manière, Estelle resta bien collée sur lui toujours le même sourire aux lèvres.
Cela dit, même saoule, elle put comprendre que rien ne se passerait à ce moment précis puisque Connor se libérait de son emprise. Elle le regarda alors comme un enfant regardait un jouet qu’on lui enlevait. Elle ne comprenait pas complètement ce qui se passait, après tout il était plutôt rare qu’on lève le nez sur ses avances. Tout en continuant de le fixer, elle ne fit aucun geste, comme si son esprit encore trop enivré cherchait à comprendre. Le jeune homme aurait été un peu plus brusque qu’elle aurait très certainement fini par pleurer, sans vraiment de raison logique.

Alors que Connor lui prenait la main, Estelle se laissa faire, se contentant simplement d’hocher vigoureusement la tête vis-à-vis ce qu’il disait. « Oui, terrible. » Lui rappeler sa journée était une excellente journée pour attirer les larmes de la demoiselle - à croire qu’il allait vraiment finir par voire toutes les facettes qu’elle s’efforçait pourtant de cacher. Non, même saoule elle tenait à être une femme forte ! Bon, c’était un peu difficile à croire lorsqu’on la voyait se relever automatiquement lorsque Connor s’éloignait de son champ de vision. « Où vas-tu ? » Question stupide et qui montrait l’état second, bien changeant, dans lequel elle était. Un sourire se ramena d’ailleurs sur son joli visage lorsque le jeune homme revint armé d’un verre d’eau. L’idée de lui refaire des avances lui restait encore en tête, après tout, elle en avait toujours autant envie, pourtant, la demoiselle se contenta de se laisser tomber sur le divan où le jeune homme l’avait d’abord laissé alors qu’elle prenait ce qu’il lui tendait. Calant le liquide, l’envie naïve d’y trouver un quelconque l’alcool la motivant, Estelle fut bien déçue de n’y trouver que de l’eau. « Je veux pas boire ça ! » À croire que plus ça avançait plus elle régressait dans l’âge mental. La preuve, elle ne resta pas en place plus longtemps et se releva rapidement, peut-être un peu trop considérant que la nausée l'asseyait de nouveau. Ne s’en préoccupant pas plus que ça, elle se dirigea vers sa chambre, peut-être prise d’une soudaine envie d’enfiler des vêtements. Alors qu’elle s’approchait de son lit, quelque chose attira son attention. Sa bague, miracle. Un sourire s’étira sur ses lèvres alors qu’elle l’attrapa pour retourner vers Connor : « Regarde, elle était dans ma chambre ! Elle était pas là-bas. » Là-bas étant le bar, il ne fallait pas demander trop de précision. Fière de sa trouvaille ? Bien évidemment ! Inconsciente du mal que ça pouvait causer au jeune homme ? Encore plus.

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